Chocs de financement bancaire et réallocation de crédit

Les banques en Belgique ont pris des décisions stratégiques de prêt après le gel du marché du financement interbancaire en septembre 2008. Cette colonne utilise des combinaisons banque-entreprise pour montrer que les banques ont réaffecté le crédit aux secteurs où elles peuvent plus facilement extraire des loyers ou dans lesquelles elles ont un avantage informationnel, séminaire Carcassonne ou aux entreprises à faible risque. L’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008 a été un choc sans précédent pour les opportunités de financement des banques. Les banques ont transmis ce choc de financement à leurs emprunteurs, mais pas nécessairement de manière homogène. Par exemple, plusieurs articles indiquent qu’il y avait une hétérogénéité significative dans les décisions de réaffectation géographique des banques (par exemple De Haas et Van Horen 2012, Giannetti et Laeven 2012). Dans cette colonne, nous étudions un type différent de réallocation, en fournissant une analyse complète et détaillée de la réallocation que les banques belges ont opérée à travers les secteurs et les entreprises. Les banques opérant en Belgique se sont largement appuyées sur le marché interbancaire pour leur financement. Comme le montre la figure 1, le volume total du financement interbancaire des banques actives en Belgique était supérieur à 500 milliards d’euros en août 2008; un an plus tard, plus de la moitié de ce financement s’était tarie. Cet assèchement a été significatif pour les banques et les entreprises actives en Belgique. L’entreprise moyenne en Belgique a emprunté auprès d’une banque pour laquelle cette sortie de financement interbancaire représentait 10% de son actif total. Figure 1 Financement interbancaire global des banques actives en Belgique Pour identifier la réallocation de l’offre de crédit suite à ces problèmes de financement, nous utilisons 160 223 combinaisons banque-entreprise parfaitement documentées. Nous combinons des données mensuelles au niveau des entreprises bancaires à partir d’un registre de crédit complet qui contient tous les crédits accordés en Belgique par toutes les institutions financières, les bilans mensuels de ces institutions financières et les bilans annuels de toutes les entreprises enregistrées. La richesse de nos données nous permet d’étudier différentes mesures de la croissance du crédit et permet de dissocier l’offre de crédit de la demande. Cette dernière consiste à saturer les spécifications de croissance des prêts correspondantes avec un ensemble complet d’effets fixes afin de contrôler la demande de crédit (Khwaja et Mian 2008, Jimenez et al.2017). Crédit manquant La figure 2 résume les principaux résultats de notre étude (De Jonghe et al.2020). Il illustre les décisions de prêt prises par une banque connaissant une sortie de financement interbancaire égale à 10% de ses actifs. Notre analyse montre que les banques confrontées à un tel choc de financement réduisent considérablement leur offre de crédit aux entreprises. Plus précisément, une sortie de financement de 10% entraîne en moyenne une réduction de la croissance du crédit de 4,14 points de pourcentage. Étant donné que le montant total du crédit accordé avant le choc à toutes les entreprises de l’échantillon était de 100 milliards d’euros et que l’entreprise moyenne de notre échantillon empruntait auprès d’une banque confrontée à une sortie de financement interbancaire de 10%, nous estimons que le crédit Le «crédit manquant» induit par l’offre en Belgique dans l’année qui a suivi l’effondrement de Lehman Brothers était d’environ 4 milliards d’euros. Figure 2 Impact hétérogène d’une sortie de financement interbancaire de 10% sur la croissance du crédit Outre l’effet moyen, la figure 2 trace également l’effet hétérogène d’une sortie de financement interbancaire de 10%. Plus précisément, la figure montre l’effet pour chaque combinaison de parts de marché du secteur bancaire haut / bas et de spécialisation du secteur bancaire haut / bas, ainsi qu’un ajout avec un effet de levier ferme haut / bas. Haut (bas) est défini comme la moyenne plus (moins) un écart-type. Alors que le choc de financement augmente le coût marginal des prêts, les banques commencent à préférer leurs emprunteurs infra-marginaux à leurs emprunteurs marginaux. Nous identifions les emprunteurs marginaux selon trois lignes différentes. Premièrement, nous montrons que les banques sont, en moyenne, en mesure d’imposer des taux d’intérêt relativement plus élevés aux entreprises lorsqu’elles détiennent une part de marché élevée dans le secteur dans lequel l’entreprise opère. Deuxièmement, nous montrons que relativement moins d’entreprises font faillite dans le portefeuille sectoriel d’une banque si la banque est spécialisée dans les prêts à ce secteur. Enfin, nous considérons également plusieurs mesures du risque d’entreprise. Notre analyse indique que, par rapport à l’effet moyen, l’impact du choc de financement est moindre de 24% pour les entreprises qui empruntent auprès des banques qui ont une part de marché élevée et une forte spécialisation dans le secteur des entreprises (soit un effet sur la croissance du crédit de -3,13 points de pourcentage). L’inverse est vrai pour les entreprises qui empruntent auprès des banques avec une faible part de marché et une faible spécialisation; ils subissent un choc de financement supérieur à la moyenne, avec un effet sur la croissance du crédit de -5,15 points de pourcentage. Par conséquent, les banques concentrent leur attention sur les secteurs où elles peuvent plus facilement extraire des rentes (part de marché plus élevée du secteur) ou où elles ont acquis des connaissances supérieures (spécialisation plus élevée du secteur). La différence devient encore plus prononcée si l’on tient compte du risque d’entreprise (dans cet exemple, fondé sur l’effet de levier). L’impact du choc de financement est plus de deux fois plus important pour les entreprises à risque empruntant auprès des banques qui ont une faible part de marché et une faible spécialisation dans le secteur des entreprises (-5,62 points de pourcentage) par rapport aux entreprises sûres qui empruntent auprès des banques qui ont un marché élevé et forte spécialisation dans le secteur des entreprises (-2,66 points de pourcentage). Cela suggère qu’il existe un effet de fuite vers la qualité qui coexiste avec les deux effets de réaffectation susmentionnés. Cela est conforme aux conclusions de, par exemple, Liberti et Sturgess (2018), qui montrent que la composition des emprunteurs se déplace vers des entreprises plus grandes et moins risquées lors d’un choc d’offre de crédit. Sur le plan réel, nous constatons une réduction modérée des investissements pour les entreprises empruntant auprès des banques qui ont été plus durement touchées par le choc de financement, mais la baisse est moins prononcée pour les entreprises lorsque leur banque détient une part de marché élevée du secteur. Implications politiques Dans l’ensemble, nos résultats fournissent des informations utiles aux décideurs politiques qui cherchent à garantir l’accès au financement des entreprises en temps de crise, car nous montrons que les entreprises plus risquées et les entreprises qui empruntent auprès de banques qui ont des parts de marché et une spécialisation dans le secteur sont plus vulnérables aux chocs dans le secteur bancaire. Dans ce contexte, les entreprises peuvent préférer correspondre avec des banques détenant une part de marché sectorielle plus importante. Bien que cela implique un coût d’emprunt plus élevé, il agit également comme une prime d’assurance qui garantit l’accès au financement lorsque la banque fait face à un choc de financement. Nos résultats intéressent également les régulateurs bancaires, car ils révèlent une vision claire de la concentration des prêts en temps de crise.